La droite française se droitise, on le sait. Mais elle ne peut pas – et ne veut pas – s’allier avec le Front national, qui a, depuis toujours, juré sa perte. Ce qui lui impose un contorsionnisme idéologique digne de l’homme-caoutchouc. Comment séduire les extrémistes sans en être un soi-même ? Comment se situer à l’extrême de la droite sans être d’extrême droite ? Comment marauder au bord du frontisme sans tomber dedans ? Comment faire du Le Pen sans Le Pen ? Tel est le défi que s’est lancé le parti LR. La compétition pour la présidence de LR lancée depuis hier en est le signe évident. Le grand favori, Laurent Wauquiez, fait du populisme nationaliste sans trop le dire, ou en feignant de ne pas le savoir, comme monsieur Jourdain faisait de la prose. Il dénonce «l’assistanat», invoque à tout propos l’identité française, fustige l’immigration, réclame une lutte sans merci contre«le communautarisme» (comprenez : les musulmans), ratiboise, lui, le normalien, le budget culture de sa région… Beaucoup de cynisme dans cette posture : Wauquiez, héritier infidèle du centrisme auvergnat, ne voit de salut en ces temps de macronisme, que dans une opposition farouche au Président et à son gouvernement. Il craint le pouvoir d’attraction d’En marche sur la droite molle : il durcit à vue d’œil, comme un ciment qui prend. Il veut braconner sur les terres du FN : il s’habille en kaki, alors que, selon toutes probabilités, il n’en croit pas un mot.
Florence Portelli, maire de Taverny, sa concurrente, aussi avenante qu’il est incommode, ne lui cède guère en raideur droitière. Elle a fait la campagne de François Fillon du premier au dernier jour, ce qui veut tout dire. Bizarre réminiscence : alors que l’ancien Premier ministre a mené son camp à la déroute, la droite se fillonise de plus en plus. Daniel Fasquelle, élu du Pas-de-Calais, est un sarkozyste pur jus, qui ne craint pas plus que les autres les embardées droitières. Reste Maël de Calan, petit chose du juppéisme aux airs de jouvenceau, qui plaide pour une droite ouverte. Alors que le cœur du parti LR souhaite la destruction des «constructifs» qui ont témoigné de leur intérêt pour l’expérience Macron, il défend des idées similaires. Bref le mot d’ordre ultra-majoritaire dans l’opposition de droite se résume à ceci : plus à droite que nous, tu meurs. Ou tu passes au FN.
Le plus inquiétant c’est qu’il y a dans cette dérive générale une solide logique. Le gouvernement occupant l’espace flou mais étendu du centre-droit, il ne reste de place que plus à droite. Ce décalage général devrait ouvrir un large territoire à une gauche réformiste, entre Macron et Mélenchon. Mais il faudrait quelqu’un pour l’occuper. Pour l’instant, on ne trouve là que des ectoplasmes. Il n’y a de visible et d’efficace aujourd’hui, que trois droites, FN, LR et En marche, et une gauche radicale, la France insoumise. Jusqu’à nouvel ordre, Macron peut tailler sa route sans encombres.
Et aussi
• Au moment où l’on s’indigne du comportement du mogul d’Hollywood Harvey Weinstein, accusé par de nombreuses femmes de viol et de harcèlement sexuel accompagnés d’un chantage professionnel grossier et cynique et d’une omerta générale, les Inrocks mettent en une Bertrand Cantat, musicien condamné pour avoir tué sa compagne à coups de poing, à qui ils offrent un entretien fleuve en effleurant à peine le sujet de sa condamnation. Ce qui pourrait bien passer pour une complaisance choquante. Oups…
• Les syndicats français ont un problème : Macron va trop vite. Le mouvement désordonné et anémié contre la loi travail est toujours en cours et voici que le gouvernement annonce l’ouverture de trois chantiers importants, sur la formation professionnelle, l’apprentissage et l’indemnisation du chômage, trois dossiers importants qui requièrent toute leur attention. Décidément, il est temps pour eux de réfléchir à la nouvelle donne du social et aux méthodes les plus appropriées pour mener la contestation.
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