C’est l’impôt qui porte malheur… quand on veut le supprimer. Jacques Chirac, qui avait aboli la taxation des fortunes en 1987, a toujours considéré que cette décision avait beaucoup aidé à la réélection de François Mitterrand en 1988. Depuis, la droite a toujours reculé devant sa suppression, en dépit de ses convictions et de ses tentations. Nicolas Sarkozy avait instauré un «bouclier fiscal» qui en limitait les effets, ce qui lui a probablement coûté plus de voix que cela n’a fait revenir de milliardaires exilés.
L’ISF est largement symbolique mais touche l’opinion. Deviendra-t-il le sparadrap du capitaine Macron ? C’est bien parti.
Le gouvernement «assume», comme on dit : il ne fait qu’appliquer le programme d’En marche, validé par quatre scrutins. C’est exact, mais l’opinion est toujours aussi rétive, y compris à droite. Un amusant sondage express du
Figaro montrait que près de la moitié des internautes votant sur le site du journal était hostiles à la suppression de l’ISF : trahison significative.
Tu quoque, lecteur de droite… Au sein du mouvement En marche aussi, beaucoup d’élus craignent un retour de bâton égalitaire. Du coup, le gouvernement assume de moins en moins et cherche dans la fébrilité des compensations. On exhume ainsi la taxation des «
signes extérieurs de richesse». C’est pour tomber dans un imbroglio fiscalo-juridique. Dangereux d’inclure les «signes» en question dans la taxation des biens immobiliers : ce sont des biens meubles.
Le Conseil constitutionnel veille. Il faut donc des taxes spécifiques. Mais les yachts de plus de vingt mètres ont pris le large depuis longtemps : la plupart naviguent sous un pavillon de complaisance qui permet de contourner les règles françaises, par exemple en matière salariale. Il en reste une vingtaine immatriculés en France ! Une misère… Les gros bateaux aussi ont des jambes qui leur ont permis d’aller jusqu’à Jersey ou au Belize. Les œuvres d’art ont été exonérées par le gouvernement Mauroy pour prévenir la fuite les tableaux et des sculptures qui n’aurait pas manqué de se produire. Difficile d’être plus socialiste que les socialistes… Restent les voitures de grosse cylindrée. Mais ces meubles-là aussi, comme on peut le deviner, sont très mobiles.
A moins de renoncer, le gouvernement devra donc accepter, pour un gain économique incertain, des pertes politiques certaines. En fait, l’acceptation de l’impôt est très variable selon les pays. On admet en Suède ou au Danemark un taux de prélèvement qu’on jugerait soviétiques aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Il en va de même en France : on croit encore à l’Etat ; on croit donc à l’impôt (tout en râlant). C’est d’autant plus vrai pour l’ISF : comme il ne touche qu’une petite minorité, la grande majorité l’approuve, surtout quand on lui demande par ailleurs des efforts pour redresser les comptes. Pas doute : le sparadrap est toujours aussi collant.
Et aussi
• Le gouvernement veut encore renforcer les interdictions de vapoter. Pour parler franchement, c’est une mesure obscurantiste. L’immense majorité des spécialistes estiment que la cigarette électronique est infiniment moins dangereuse que le tabac. Une étude américaine sérieuse publiée ce matin par la revue Tobacco Control montre que la cigarette électronique permettrait de sauver entre un et six millions de vies si elle venait à remplacer le tabac. Seul argument des anti-vapotage : c’est une «porte d’entrée» vers la consommation de tabac. Rien ne le prouve. On ajoute alors que «le geste est le même». A ce compte-là, il faut interdire l’eau : qu'on boive un verre de vin ou un verre d’eau, «le geste est le même»…
• Le Brexit, décidément, n’est pas une partie de plaisir. Affaiblie par son médiocre résultat aux dernières élections, Theresa May s’embourbe dans les négociations avec l’Europe, qui n’avancent pas. Boris Johnson, le turlupin ultra-libéral qu’elle a nommé au Foreign Office pour le neutraliser, ne cesse de lui planter des banderilles. L’économie ralentit et l’opinion se divise un peu plus. De toute évidence, l’establishment, conservateur ou travailliste, considère que la sortie de l’Union est une erreur historique. Il cherche à gagner du temps. On parle d’une période de transition de «deux ans ou plus», on veut limiter la casse, atténuer le divorce, conserver le beurre et l’argent du beurre. Habituelles palinodies du populisme qui se retrouve, quand il veut appliquer son programme, comme une poule qui a trouvé un couteau.
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