Un bon mois après Libération (une du 31 août), le monde médiatique disserte sur le thème «Macron, président des riches». Le journal s’était appuyé sur une étude l’OFCE, institut économique, montrant que les plus favorisés le seraient encore un peu plus après l’application de la potion Macron. Depuis, tout le monde suit. L’imitation est aussi un hommage…
Entre-temps, le gouvernement a un peu rectifié le tir. Les baisses de cotisations pour les salariés sont une bonne nouvelle, ainsi que la diminution de la taxe d’habitation. Mais le plus important demeure : la quasi-suppression de l’impôt sur la fortune, alliée à la «flat tax» sur les revenus du capital (une taxe proportionnelle plafonnée à 30% au lieu d’une taxe progressive allant jusqu’à 60% dans l’ancienne version). On avait ironisé ici sur ce drôle de Robin des Bois qui prend aux pauvres pour donner aux riches. Ce n’était pas que sarcasme : le gouvernement lui-même a fini par avaliser le diagnostic, d’une part en «assumant» le coup de pouce donné aux grandes fortunes au nom de l’investissement, d’autre part en corrigeant fébrilement la copie. Les «signes extérieurs de richesse» - yachts, voitures de collection, chevaux de course - seront ainsi taxés un peu plus. Mais cette correction d’un symbole est purement symbolique : elle rapportera au plus quelques dizaines de millions à l’Etat, contre environ trois milliards de baisse pour l’ISF. C’est la recette du pâté d’alouette, bien connue, qu’on rallonge avec de la viande de cheval. Les deux ingrédients sont à égalité : un cheval, une alouette, un cheval, une alouette…
Du coup, le soutien de l’opinion à Macron a plongé, pour remonter légèrement fin septembre (sondages dixunt). Cette évolution traduit en fait un changement de nature : la droite et le centre plébiscitent un exécutif dont la cote s’effondre dans l’électorat de gauche. Le Figaro confirme : «Emmanuel Macron penche à droite, sa gauche s’inquiète», titrait le journal samedi dernier. La structure politique du macronisme ressemble de plus en plus à celle de la droite républicaine mâtinée de centrisme. C’était la majorité de Chirac. Ou celle de Giscard. Le macronisme, un chiraquisme libéral ? Ou bien un giscardisme autoritaire ? Après cinq mois d’exercice, on s’interroge encore sur la nature du nouveau pouvoir. Est-elle fixée ? A droite, à coup sûr, au vu de ces premiers mois. Mais l’homme a plusieurs fois montré qu’il pouvait virer lof pour lof quand il était sur le mauvais bord. Attendons quand même…
Et aussi
• Toujours les infortunes de ceux qui sont nés quelque part et en font un principe de supériorité. Les nationalistes catalans tentaient d’accréditer la fable d’une Catalogne unie autour de son identité particulière et levée comme un seul homme contre Madrid. Propagande pure et simple : la manifestation de dimanche montre qu’une grande partie du peuple de Catalogne ne veut pas de la Catalogne indépendante. Ces manifestants-là, qui valent bien les autres, se sentent à la fois de leur région, de leur pays et d’Europe. Une triple appartenance nettement plus adaptée au monde d’aujourd’hui que l’exclusivisme monomaniaque des nationalistes de tous poils.
• Les syndicats – tous - se réunissent ce lundi soir au siège de la CGT pour tenter d’adopter une attitude commune face aux ordonnances Macron sur le Code du travail. Mais les positions de départ sont si éloignées qu’on doute de la réussite du symposium. On se réunit, en somme, pour acter la désunion. Il faut dire que le résultat des journées de mobilisation diverses et variées qui ont eu lieu depuis la fin de l’été refroidit les ardeurs. Aucune n’a atteint son objectif, qui était de démontrer l’hostilité massive de l’opinion à la réforme et, si possible, d’infléchir la position du gouvernement. A chaque fois, la participation populaire a été décevante, comme l’électorat, quoique réservé sur le contenu du texte, jugeait qu’il était impossible d’annuler un projet porté par un président nettement élu il y a cinq mois. La CFDT et FO, de toute évidence, redoutent de livrer une bataille qu’elles estiment perdue d’avance…
• Votre serviteur se retrouve portraituré dans le Figaro Magazine en complice de l’islamisme et membre actif de «l’islamosphère», placé en bonne place dans une colonne du journal en compagnie de Marwan Muhammad, Tariq Ramadan et quelques autres. Surprise et hilarité. L’auteur de cette lettre politique est notoirement incroyant, hostile à tout cléricalisme, ennemi des intégrismes et, notamment, de l’intégrisme musulman. Libération, bien sûr, est visé en même temps que son directeur. Nous sommes coupables d’avoir donné la parole, parmi cent autres, à quelques associations musulmanes et d’avoir plaidé contre la discrimination et l’intolérance à l’égard, non de l’islamisme, mais de l’islam tout court. Crime pendable, on suppose… Le Fig Mag oublie de signaler que nous avons réalisé deux numéros spéciaux communs avec Charlie aux temps où les autorités musulmanes attaquaient le journal en justice, et que nous avons accueilli son équipe – devoir élémentaire – après l’attentat qui a massacré sa rédaction, ce qui nous a valu quelques menaces de mort. On n’a pas souvenir que le Fig Mag, en dehors d’une ritournelle obsessionnelle, ait fait quoi que ce soit de ce genre pour lutter contre l’islamisme.
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