Ce n’est plus un vent de moralisation qui souffle sur la vie politique. C’est une tornade de la vertu. Coup sur coup, quatre ministres importants quittent leur fonction et une cinquième, madame Pénicaud, ministre du Travail, ne se sent pas très bien. Ces démissionnaires ne sont pas mis en examen, encore moins condamnés, ils bénéficient de la présomption d’innocence et c’est une simple enquête préliminaire qui a provoqué leur départ. Bayrou peut dire : «Goulard m’a tuer…» En annonçant qu’elle renonçait à son poste, la ministre des Armées a déclenché une réaction en chaîne qui frappe aussitôt Bayrou et Marielle de Sarnez. Le Modem qui voulait éradiquer les pratiques douteuses s’est éradiqué lui-même. Savonarole se met sur le bûcher…
Dès lors qu’En Marche a construit son succès en dénonçant la vieille politique, tout cela était inévitable. On peut difficilement afficher une sainteté ostentatoire et fréquenter les bars montants…
Certains commentateurs s’inquiètent de cet excès de morale. Ils évoquent une dictature de la transparence où la société finirait par ressembler au panoptique de Jeremy Bentham. Ce philosophe utilitariste et anglais avait proposé pour les prisons une architecture circulaire où un seul gardien pouvait surveiller tous les prisonniers de sa tour centrale sans même qu’ils le sachent. Michel Foucault en avait fait le symbole d’une société fondée sur le contrôle social. Dans cette métaphore inquiète, la justice et la presse tiennent le rôle du gardien au regard inquisiteur. Aussi bien, ces réalistes anti-transparence citent volontiers Mazarin, ce ripou munificent qui rendit de grands services à la monarchie ou encore Talleyrand, corrompu jusqu’à l’os, qui fut néanmoins un grand diplomate. On les préfère souvent à Robespierre, dont la vertu intransigeante justifiait la Terreur.
A vrai dire, ces réflexions tiennent largement du sophisme. La classe politique est tombée si bas dans l’estime publique qu’il lui faut bien réformer ses mauvaises habitudes. En Marche a parfois du mal à appliquer ses propres principes. Cela ne signifie pas qu’ils soient mauvais. Au demeurant, en écartant les ministres soupçonnés, Emmanuel Macron fait preuve de cohérence. Au bout du compte, l’opinion le portera sans doute à son actif.
Plaider pour l’indulgence, c’est a contrario demander une sorte de privilège en faveur des responsables politiques, qui échapperaient au sort des Français lambda en raison de leur fonction étatique. Qui peut expliquer cela devant une assemblée quelconque de citoyens qui doivent, eux, répondre du moindre écart fiscal ou de la plus petite infraction au code de la route ? Ce serait théoriser, dans un régime d’égalité juridique, le principe du «deux poids, deux mesures». Bonne chance !
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Marine Le Pen reproche à Emmanuel Macron de «jeter Bayrou comme un vieux torchon». Elle vient d’interdire à son vieux père l’accès au siège du FN où se réunissait la direction du parti. Chacun ses torchons…
Les «constructifs», ces députés LR plus ou moins macronisés, formeront un groupe autonome, distinct du reste de la droite. L’UDI volera elle aussi de ses propres ailes, sur une ligne tout aussi «constructive». Il y a décidément du messie dans le nouveau président de la République. Jésus multipliait les pains. Macron multiplie les droites.
Le nouveau gouvernement doit être annoncé cet après-midi, mais en raison de la fête de la musique, la cour de l’Elysée sera occupée par un orchestre. Suggestion : l’énumération des ministres pourrait avoir lieu sur fond musical, cela donnerait à l’exercice un tour original. Hymne à la joie pour les nouveaux entrants, marche funèbre pour le Modem.
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