Les débats télévisés
ont rarement une influence sur le vote. Le débat Hollande Sarkozy, remporté par Hollande aux dires de tous, n’avait pas empêché son adversaire de poursuivre la remontée qu’il avait entamée en se saisissant de thèmes identitaires et qui a abouti à un score serré. La joute Royal-Sarkozy, où Sarkozy avait dominé, n’avait pas fait bouger d’un iota les sondages qui donnaient de toute manière Sarkozy vainqueur dans l’élection. Aux dires de la plupart des spécialistes de communication politique, et contrairement à une idée très répandue, la télévision ne fait pas l’élection.
Mais il y a des exceptions. Les réparties brutales de Trump face à Clinton l’ont sans doute aidé à créer la surprise dans l’élection américaine. Dans cette campagne-ci, la percée de Mélenchon s’est matérialisée de manière spectaculaire après le premier débat, où il était apparu comme le meilleur représentant de la gauche. Si on remonte dans le passé, on estime que la bonne performance de Kennedy face à Nixon en 1960, premier grand duel cathodique de l’Histoire, a contribué à son élection, de même que lespunchlines giscardiennes en 1974 («Vous n’avez pas le monopole du cœur, M. Mitterrand», une des meilleures trouvailles de la vie politique française). D’une manière générale, le vainqueur de l’élection est aussi celui qui domine le grand débat d’avant second tour. Dans quel sens agit la causalité ? C’est une variante de la poule et de l’œuf.
En fait, les candidats ont peu à gagner dans l’exercice, mais beaucoup à perdre. Si Macron réussit son débat, cela ne changera sans doute pas grand-chose. Mais s’il le rate, cela peut lui coûter cher. Comme une équipe de football qui arrive au match retour avec des buts d’avance, il a intérêt à jouer le nul. Pas trop nul, on espère…
Il a un bon dossier sur l’Europe, où les palinodies frontistes ont semé la confusion. Mais l’Europe n’est guère populaire. Il possède une indiscutable maîtrise technique, sans doute supérieure à celle de son opposante. Mais le rôle du sachant péremptoire est dangereux : Macron doit montrer qu’il n’est pas le candidat d’en haut. Délicat… Il doit surtout prouver qu’il est le candidat de la République, qui n’est pas la République si elle n’est pas sociale. Tout est là.
Et aussi
• Macron a interrompu sa glissade dans les sondages. Il reste à 59-60% selon les instituts quasi unanimes. Dans le «rolling» de Paris Match, il reprend un demi-point. L’opération Dupont-Aignan n’a pas eu d’effet mesurable pour le Front.
• L’Eglise catholique au bord du schisme électoral. De très nombreuses personnalités catholiques ont pris clairement position contre le FN et préconisé un vote Macron. Mais les évêques distillent des homélies embrouillées. L’Eglise prêche l’accueil des réprouvés, ce qui devrait suffire à condamner le FN. Mais Marine Le Pen est la seule à vouloir abroger le mariage pour tous et les cathos activistes de Sens commun ne sont pas loin du FN, quoique toujours reliés à la droite classique. En 2002, l’Eglise n’avait pas hésité.
• Onfray se surpasse. «Le belliciste BHL a donc gagné, dit-il et avec lui Pierre Bergé, locataire d’utérus d’autrui, Jacques Attali, plagiaire notoire et condamné comme tel par la justice, Alain Minc, plagiaire du précédent, Manuel Valls, traître en chef, Kouchner, sac de riz chez les médecins et médecin chez les sacs de riz, Cohn-Bendit, pédophile au siècle dernier.»Des arguments hautement métaphysiques pour montrer que Macron est aussi dangereux que Le Pen, le tout au nom de la «vraie gauche». Ce n’est plus la philosophie à coups de marteau mais la philosophie des coups sous la ceinture. Pour Onfray, plus on est à gauche, moins on doit faire barrage à Le Pen. Allez comprendre. Il est vrai que son style rappelle furieusement celui de l’Action française avant-guerre…
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