Titre : Centenaire de l'Armistice
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Centenaire de l'Armistice
C'est aujourd'hui à 11h. L'Europe commémore la fin de la guerre civile de 14-18 appelée autrement guerre européenne de suprématie. Il y en avait eues d'autres sous les rois, sous l'Empire mais aucune encore n'avait été gagnée acier contre acier. C'est l'occasion pour tous de réfléchir aux causes de l'affrontement franco-allemand qui dura trois quarts de siècle (1870-1945): le militarisme prussien repoussant les frontières de son "espace vital" trouva suffisamment d'écho dans les certitudes de l'état-major français, qu'il devenait plus qu'urgent de vérifier sur le terrain qui des deux avait trouvé la formule gagnante, et chez nous, la revanche sur l'humiliation de 1870. De grands penseurs sur l'art et la manière de s'entretuer convainquirent les politiques que des nuées de paysans formés hâtivement à l'ordre serré écraseraient les Huns avec une consommation raisonnable des effectifs. La théorie s'appelait l'offensive à outrance, elle fut développée et appliquée par le général Robert Nivelle et les généraux anglais qu'il avait séduits, avec les résultats que l'on sait : la guerre se fit toute entière chez nous et les consommations furent décuplées. C'est à la fin l'acier français et la qualité de l'ingénierie française dont les usines étaient protégées par une armée de terre franco-anglaise pétrie de courage et bien commandée, qui vainquirent, on ne le dira jamais assez. La levée en masse ne vint à bout de l'invasion qu'à la fin d'une guerre mécanique terrible.
La presse bruisse d'une commémoration low cost décidée par le Château où seront glorifiés les soldats de première ligne quel que soit leur camp. Les généraux et maréchaux seront cités incidemment mais sans appuyer car il faudrait sinon "revaloriser" les casques à pointe de la Prusse vaincue où naquit Angela Merkel. Quant aux soldats, ils auraient été victimes des contraintes et menaces afin de se maintenir dans les tranchées sous l'orage. A ces explicateurs "petite bite" on devrait poser la question simple : « Pourquoi lorsque un chef d'unité demandait des volontaires vers l'avant, il y avait la plupart du temps malgré le péril plus de doigts levés que de postes à pourvoir ?» Ayant eu le privilège de parler à de véritables poilus et pas à des chercheurs de l'université, j'en ai retiré une histoire de peur et de gloire, de pleurs et de rires, de morts et de crasse, de gueules cassées et surtout de ce courage mâtiné de bonne humeur qui faisait accepter l'impossible, l'indicible. On insulterait leur mémoire à les considérer comme des veaux partant à l'abattoir. On ne peut pas les rapetisser à la toise qui les ferait ressembler à ce que nous sommes devenus, nous : des moutons !
Ceci étant dit, nous commencerons cet ultime billet du Centenaire par un hommage aux cadres des unités de combat, sergents, adjudants et officiers qui commandaient à la voix des gens qu'ils connaissaient par leur nom. La guerre en consomma beaucoup et on ne parle que rarement des postes très difficiles qu'ils ont occupés. Garder la tête froide, l'autorité, la capacité d'analyse sous la mitraille, dans le vacarme des bombes et les gaz, entre les geysers de cailloux et de boue jusqu'à l'élan d'un assaut libérateur. Tous les jours ! Ils assumaient deux responsabilités, celle de leurs hommes qu'il fallait "gérer" au quotidien et soutenir moralement, celle de la mission dans une bataille de mêlée où tout fléchissement pouvait être fatal à la ligne de front. Sans eux, les unités élémentaires se transformeraient en troupeau de chats, la combativité disparaitrait avec le relâchement de la discipline, la défaite serait sûre. Les cadres étaient le principe catalyseur d'une section, d'une compagnie qu'ils transformaient en unité combattante. Rien sans eux n'aurait été possible. Parmi eux figurent des célébrités. Si chacun connaît les écrivains et les artistes morts pour la France, moins nombreux sont ceux qui savent que des députés (assez peu finalement) ont combattu. Parmi eux nous choisirons un royaliste (normal!) : le duc de Rohan.
Né le 4 avril 1879 à Paris, Josselin de Rohan-Chabot, douzième duc de Rohan (en photo), embrasse la carrière militaire dès ses dix-huit ans et part en 1900 combattre en Chine les Boxers avec le 6è Dragons. Conservateur, catholique et anti-maçons, il succède naturellement à son père comme député du Morbihan en 1914. Mobilisé dès la déclaration de guerre comme lieutenant de réserve, cet officier de cavalerie est versé au 27è Dragons puis après la Marne, il est promu capitaine au 15è Dragons en 1915. Le régiment devant tirer à la courte-paille un officier qui rejoindra l'infanterie pour y commander une compagnie de combat, le capitaine de Rohan refuse de faire tirer au sort ses lieutenants, estimant qu’à lui seul revenait cet honneur périlleux. Il rejoindra le 4è Bataillon de Chasseurs à pied, jusqu'à Verdun. Blessé à deux reprises, il rejoint chaque fois le front. Dans la nuit du 13 au 14 juillet 1916, le capitaine de Rohan part avec son ordonnance en reconnaissance sur le terrain de chasse de son château de Manancourt dans la Somme, vers le calvaire d'Hardecourt-aux-Bois où une semaine auparavant le capitaine Augustin Cochin du 146e RI a été tué devant sa compagnie alors qu'il contre-attaquait. Son ouïe affaiblie par une blessure aux tympans du mois de mars, il tombe, à deux heures du matin, sous les balles d'une mitrailleuse du 182/16.Royal-Saxon qui ne dormait pas. Il est enterré le 15 juillet dans le cimetière militaire de Cerisy-Gailly. Il avait 37 ans.
Les émissions commémoratives du centenaire vous en apprendront bien plus sur la "fin de l'histoire" qu'un modeste blogue comme celui-ci. Pour vous offrir un épisode inédit comme ce blogue aime le faire, nous allons parler aujourd'hui des renforts océaniens au sein de l'Empire français, et particulièrement de ceux levés en Nouvelle Calédonie, territoire d'outremer qui a renouvelé ses vœux français dimanche dernier. Précisons que dans les territoires du Pacifique seuls les citoyens français étaient mobilisables dans les mêmes classes d'âge que les métropolitains. Les sujets sous statut de l'indigénat n'étaient pas incorporables. Mais la consommation de troupes sur le front de l'Est obligea le gouverneur Jules Repiquet (1874-1960) à contourner la règle en proposant le volontariat. Ces recrues passeront par la même filière que les Français, conseil de révision, vaccinations, instruction militaire, aguerrissement, versement en division combattante mais sans dispersion. A l'époque, toute la guerre était conduite par divisions: pour le Bataillon mixte du Pacifique ce fut la 72è du général Ferrandini.
La plus grande majorité du contingent océanien sera incorporé au BMP formé à Nouméa puis basé à Marseille sous l'autorité du capitaine Montagne pour incorporer les autres recrues d'Océanie comme les Tahitiens. Il fit une belle guerre, d'abord sous les ordres du chef de bataillon Trouilh en Champagne, puis fut remonté au front sous les ordres du chef de bataillon Gondy, et toujours au contact dans les pires moments ; ce n'était pas une unité supplétive ou de coolies charriant du ballast même s'ils participèrent comme tout le monde à l'entretien des ouvrages militaires, mais des soldats justement réputés à l'issue de leur formation. Ces troupes qui passèrent au Chemin des Dames, terminèrent la guerre dans l'honneur et le bataillon fut cité à l'ordre de la Xème Armée le 10 décembre 1918 (voir l'historique du BMP en cliquant ici ou bien en original sur le document de Vincennes, en cliquant là). Les pertes furent d'un cinquième des effectifs français (et créoles) et un tiers des effectifs canaques. Eh quand même !
La motivation des Canaques qui s'enrôlèrent reste en débat d'autant qu'une révolte éclata en 1917 sur la grande île. Si on comprend que la pression des autorités indigènes et des missions aient pu pousser le jeune Canaque à signer, on sait par des témoignages que la double curiosité de découvrir et la France et la guerre moderne en décida beaucoup. Il n'est pas correct de dire que la vie tribale pouvait être chiante à mourir pour certains esprits aventureux, mais on peut le penser très fort. Quoiqu'il en soit, la bonne tenue de ces troupes coloniales primitives créa pour la première fois chez les autochtones une véritable identité dépassant le maillage tribal. Cette conscience collective valut aux indigènes une nouvelle politique d'assimilation mise en œuvre par le gouverneur Guyon dès 1925. Elle n'aboutira quand même pas à faire du Canaque un citoyen français. Dommage ! Mais les anciens tirailleurs canaques à qui fut proposé la citoyenneté en 1925, la refusèrent majoritairement, ce qui signalait la solidité de leur attachement à leur terre.
Pour mémoire, les possessions océaniennes engagées furent, outre la Nouvelle Calédonie et les Nouvelles Hébrides sous condominium franco-anglais, les archipels polynésiens (Société surtout, les quatre autres étant vides) et les protectorats de Wallis et Futuna. Les indigènes de ces territoires étaient considérés avant-guerre comme peu employables dans les affaires militaires voire inapte à l'instruction nécessaire à la formation d'un soldat. Les pertes au front firent reconsidérer les talents de cette ressource dès 1915. Pour bien cadrer l'histoire, au plus fort de son engagement, le BMP comptait 1222 rationnaires, 91 chevaux et 44 voitures répartis en un état-major de bataillon, une section hors-rang, quatre compagnies de combat et une compagnie de mitrailleuses. D'autres Océaniens français s'engagèrent dans les troupes impériales de l'ANZAC (Australian and New Zealand Army Corps).
La presse bruisse d'une commémoration low cost décidée par le Château où seront glorifiés les soldats de première ligne quel que soit leur camp. Les généraux et maréchaux seront cités incidemment mais sans appuyer car il faudrait sinon "revaloriser" les casques à pointe de la Prusse vaincue où naquit Angela Merkel. Quant aux soldats, ils auraient été victimes des contraintes et menaces afin de se maintenir dans les tranchées sous l'orage. A ces explicateurs "petite bite" on devrait poser la question simple : « Pourquoi lorsque un chef d'unité demandait des volontaires vers l'avant, il y avait la plupart du temps malgré le péril plus de doigts levés que de postes à pourvoir ?» Ayant eu le privilège de parler à de véritables poilus et pas à des chercheurs de l'université, j'en ai retiré une histoire de peur et de gloire, de pleurs et de rires, de morts et de crasse, de gueules cassées et surtout de ce courage mâtiné de bonne humeur qui faisait accepter l'impossible, l'indicible. On insulterait leur mémoire à les considérer comme des veaux partant à l'abattoir. On ne peut pas les rapetisser à la toise qui les ferait ressembler à ce que nous sommes devenus, nous : des moutons !
Né le 4 avril 1879 à Paris, Josselin de Rohan-Chabot, douzième duc de Rohan (en photo), embrasse la carrière militaire dès ses dix-huit ans et part en 1900 combattre en Chine les Boxers avec le 6è Dragons. Conservateur, catholique et anti-maçons, il succède naturellement à son père comme député du Morbihan en 1914. Mobilisé dès la déclaration de guerre comme lieutenant de réserve, cet officier de cavalerie est versé au 27è Dragons puis après la Marne, il est promu capitaine au 15è Dragons en 1915. Le régiment devant tirer à la courte-paille un officier qui rejoindra l'infanterie pour y commander une compagnie de combat, le capitaine de Rohan refuse de faire tirer au sort ses lieutenants, estimant qu’à lui seul revenait cet honneur périlleux. Il rejoindra le 4è Bataillon de Chasseurs à pied, jusqu'à Verdun. Blessé à deux reprises, il rejoint chaque fois le front. Dans la nuit du 13 au 14 juillet 1916, le capitaine de Rohan part avec son ordonnance en reconnaissance sur le terrain de chasse de son château de Manancourt dans la Somme, vers le calvaire d'Hardecourt-aux-Bois où une semaine auparavant le capitaine Augustin Cochin du 146e RI a été tué devant sa compagnie alors qu'il contre-attaquait. Son ouïe affaiblie par une blessure aux tympans du mois de mars, il tombe, à deux heures du matin, sous les balles d'une mitrailleuse du 182/16.Royal-Saxon qui ne dormait pas. Il est enterré le 15 juillet dans le cimetière militaire de Cerisy-Gailly. Il avait 37 ans.
Les émissions commémoratives du centenaire vous en apprendront bien plus sur la "fin de l'histoire" qu'un modeste blogue comme celui-ci. Pour vous offrir un épisode inédit comme ce blogue aime le faire, nous allons parler aujourd'hui des renforts océaniens au sein de l'Empire français, et particulièrement de ceux levés en Nouvelle Calédonie, territoire d'outremer qui a renouvelé ses vœux français dimanche dernier. Précisons que dans les territoires du Pacifique seuls les citoyens français étaient mobilisables dans les mêmes classes d'âge que les métropolitains. Les sujets sous statut de l'indigénat n'étaient pas incorporables. Mais la consommation de troupes sur le front de l'Est obligea le gouverneur Jules Repiquet (1874-1960) à contourner la règle en proposant le volontariat. Ces recrues passeront par la même filière que les Français, conseil de révision, vaccinations, instruction militaire, aguerrissement, versement en division combattante mais sans dispersion. A l'époque, toute la guerre était conduite par divisions: pour le Bataillon mixte du Pacifique ce fut la 72è du général Ferrandini.
La plus grande majorité du contingent océanien sera incorporé au BMP formé à Nouméa puis basé à Marseille sous l'autorité du capitaine Montagne pour incorporer les autres recrues d'Océanie comme les Tahitiens. Il fit une belle guerre, d'abord sous les ordres du chef de bataillon Trouilh en Champagne, puis fut remonté au front sous les ordres du chef de bataillon Gondy, et toujours au contact dans les pires moments ; ce n'était pas une unité supplétive ou de coolies charriant du ballast même s'ils participèrent comme tout le monde à l'entretien des ouvrages militaires, mais des soldats justement réputés à l'issue de leur formation. Ces troupes qui passèrent au Chemin des Dames, terminèrent la guerre dans l'honneur et le bataillon fut cité à l'ordre de la Xème Armée le 10 décembre 1918 (voir l'historique du BMP en cliquant ici ou bien en original sur le document de Vincennes, en cliquant là). Les pertes furent d'un cinquième des effectifs français (et créoles) et un tiers des effectifs canaques. Eh quand même !
La motivation des Canaques qui s'enrôlèrent reste en débat d'autant qu'une révolte éclata en 1917 sur la grande île. Si on comprend que la pression des autorités indigènes et des missions aient pu pousser le jeune Canaque à signer, on sait par des témoignages que la double curiosité de découvrir et la France et la guerre moderne en décida beaucoup. Il n'est pas correct de dire que la vie tribale pouvait être chiante à mourir pour certains esprits aventureux, mais on peut le penser très fort. Quoiqu'il en soit, la bonne tenue de ces troupes coloniales primitives créa pour la première fois chez les autochtones une véritable identité dépassant le maillage tribal. Cette conscience collective valut aux indigènes une nouvelle politique d'assimilation mise en œuvre par le gouverneur Guyon dès 1925. Elle n'aboutira quand même pas à faire du Canaque un citoyen français. Dommage ! Mais les anciens tirailleurs canaques à qui fut proposé la citoyenneté en 1925, la refusèrent majoritairement, ce qui signalait la solidité de leur attachement à leur terre.
Pour mémoire, les possessions océaniennes engagées furent, outre la Nouvelle Calédonie et les Nouvelles Hébrides sous condominium franco-anglais, les archipels polynésiens (Société surtout, les quatre autres étant vides) et les protectorats de Wallis et Futuna. Les indigènes de ces territoires étaient considérés avant-guerre comme peu employables dans les affaires militaires voire inapte à l'instruction nécessaire à la formation d'un soldat. Les pertes au front firent reconsidérer les talents de cette ressource dès 1915. Pour bien cadrer l'histoire, au plus fort de son engagement, le BMP comptait 1222 rationnaires, 91 chevaux et 44 voitures répartis en un état-major de bataillon, une section hors-rang, quatre compagnies de combat et une compagnie de mitrailleuses. D'autres Océaniens français s'engagèrent dans les troupes impériales de l'ANZAC (Australian and New Zealand Army Corps).
Terminons ce centenaire en saluant l'arrière qui a "tenu", comme on disait alors ; nos usines ont tourné à fond tout au long de la guerre grâce aux femmes. Les femmes de France furent admirables dans les hôpitaux, les fermes, les ateliers. L'économie de guerre leur doit beaucoup. Tant les combats dantesques que l'ampleur des dévastations ont fait crier « Plus jamais ça !» aux survivants de l'apocalypse. Hélas, la dureté des circonstances avait pour le moins affaibli leur perception de l'avenir même si leur connaissance de l'espèce humaine avait terriblement progressé. Le pire nous était promis, il l'est encore ! Après plusieurs ouvrages relatant ses campagnes, l'ancien chef d'état-major général, Erich Ludendorff publiera en 1935 Der totale Krieg, une doctrine mobilisant toutes les forces matérielles et morales de l'empire disparu, qui annonçait une guerre plus effroyable encore!
Voilà ! C'est terminé. La Grande Guerre, en ressortant de son centenaire, entre dans la nuit de l'histoire. Royal-Artillerie pourrait s'arrêter maintenant, nous en avons beaucoup fait.
Merci aux lecteurs fidèles. A plus !
Postscriptum :
Outre les études de Jacques Frémeaux sur l'empire colonial, nous signalons qu'une étude sur la Nouvelle Calédonie en guerre a été publiée en ligne par Mme Boubin-Boyer, dont on peut lire le travail en cliquant ici.
Tous les billets Royal-Artillerie du Onze-Novembre sont libellés "1111"
Buona notte amore
Ti vedro nei miei sogni
Buona notte a te che sei lontano
Ti vedro nei miei sogni
Buona notte a te che sei lontano
ainsi, l'article Centenaire de l'Armistice
C'est un article Centenaire de l'Armistice Cette fois-ci, j'espère pouvoir bénéficier à vous tous. Eh bien, vous voir dans d'autres publications d'articles.
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