Si vous n’avez pas grand-chose à dire, dites du mal des musulmans… Tel est le mantra médiatique auquel s’accroche désormais la droite intellectuelle et journalistique. Le macronisme étant un libéralisme, les libéraux se retrouvent sans voix. Depuis deux mois, le gouvernement Philippe fait ce que la droite libérale n’a jamais été capable de faire. Horreur ! C’est tout un pan du discours conservateur qui s’effondre. Face aux réformes en cours, les folliculaires qui les réclamaient depuis un siècle ou deux en sont réduits à la rhétorique des deux Dupondt. «Il faut libéraliser !», dit Macron. «Je dirai même plus, répondent LR, le Figaro, le Medef et quelques autres, il faut libéraliser !» Voilà qui ne fait pas une ligne éditoriale, et encore moins un discours d’opposition.
Restent donc ces Français musulmans, en général pacifiques et bons citoyens, qui offrent une cible d’autant plus commode qu’ils n’ont guère les moyens de se défendre, quand le terrorisme islamiste défigure en permanence leur religion au nom d’Allah. Pourtant, ils en sont la cible autant que les autres, sinon plus, quand on fait le compte des victimes de l’islamisme dans le monde.
Du coup, c’est une litanie. Wauquiez en lice pour la présidence de LR
fustige«le communautarisme», c’est-à-dire les musulmans.
Le Figaro consacre trois unes en cinq jours à l’immigration, à l’école en danger, au sort des sans-papiers : c’est-à-dire aux musulmans. Les intellectuels qui se pressent en rangs serrés dans les pages Tribune de
Valeurs Actuelles ou du
Figaro(dernier en date ce matin, un certain Périer, auteur d’un livre contre l’immigration) dissertent gravement sur «l’identité» et «les racines françaises», c’est-à-dire sur les musulmans. Une nouvelle revue de droite se crée,
l’Incorrect, animée par Charles Millon, cheval de retour de la réaction lepénoïde, et Charles Beigbeder, financier moderne de la droite archaïque, qui préfère Maurras à Raymond Aron ; elle défendra la tradition et les vraies valeurs françaises, c’est-à-dire qu’elle tapera sur les musulmans. La Toinette de Molière, se moquant des médecins, répondait invariablement :
«le poumon !» au malade imaginaire. Considérant les maux qui affectent la France, ces Diafoirus de l’identité n’ont qu’un seul diagnostic :
«les musulmans !».
Plus dérangeant, Jacques Julliard, longtemps éditorialiste au
Nouvel Observateur, entonne le même refrain (hier
dans le Figaro, dont il a adopté les couleurs en s’y lovant, tel un caméléon). Il fut pendant des lustres la plume la plus acérée de la gauche libre. Il a gardé sa plume mais perdu sa gauche. Les intellectuels dit-il, réitèrent leurs calamiteuses erreurs. Dans les années cinquante, ils adulaient Staline, dans les années soixante, Mao. Voici qu’ils montrent le même aveuglement à l’égard de l’islam radical. Quels intellectuels, au juste ? Ceux qu’on entend le plus, les Finkielkraut, les Bruckner, les Ferry, ou les publicistes à la Zemmour, disent exactement le contraire. A part quelques farceurs de l’extrême gauche universitaire qui pensent encore que tout opprimé est un saint, on voit mal de qui il parle. Qui, d’ailleurs, éprouve de la fascination pour l’Etat islamique ? Qui soutient les terroristes comme on soutenait jadis l’URSS ? Qui demande l’islamisation de la France comme on rêvait du communisme ? Personne, évidemment. La comparaison avec le stalinisme ou le maoïsme d’une partie de la gauche française, qui s’est effondrée dans le ridicule, n’a aucun sens historique. Pourtant Julliard est historien…
Qui dit que l’islam ne pose aucun problème ? Personne. Simplement il faut distinguer les questions. Sur le plan religieux, la France dispose d’une des législations les plus laïques parmi les grandes démocraties. Des groupes religieux minoritaires tentent de la remettre en question sous couvert d’antiracisme. C’est un combat, mais ils n’ont pour l’instant abouti à rien. L’immigration en France (qui n’est pas toujours musulmane, loin de là), suscite des difficultés diverses. Le principe général qui la gouverne – accueil autant que possible et régulation du flux – est la seule voie possible. Elle est suivie par les gouvernements successifs avec une fermeté certaine. Ceux qui parlent de laxisme ne savent rien des évacuations de campements… Quant au terrorisme islamiste, pathologie de l’islam, l’armée française le combat en Syrie et en Irak, et les autorités luttent en France, avec plus d’efficacité qu’on le dit souvent. Ce sont trois combats distincts qu’il faut poursuivre avec constance. Mais sur ces trois fronts, c’est une erreur tragique que de rejeter la masse des musulmans du mauvais côté. C’est pourtant ce que tend à faire l’obsession antimusulmane des intellectuels identitaires…
Et aussi
• Rififi à FO. Quoi qu’on pense de la loi Travail nouvelle manière,
Jean-Claude Mailly a un problème : il approuve en septembre que qu’il rejetait en janvier. Même après une élection présidentielle, le tête-à-queue est impossible à expliquer aux militants. La direction ne veut pas d’un compagnonnage supplémentaire avec la seule CGT. On peut la comprendre quand on sait le peu de succès remporté contre la loi El Khomri. Mais de là à adorer ce qu’on a brûlé, il y a un pas de géant que les fédérations FO ont du mal à effectuer. Un Mailly à l’endroit, un Mailly à l’envers…
• Emmanuel Macron appelle les propriétaires et bailleurs de logements à diminuer leur loyer de 5 euros, de manière à compenser la baisse de 5 euros des aides au logement décidées par son gouvernement. Bonne idée qu’on pourrait appliquer plus largement : on diminuerait les salaires de 5 euros et les vendeurs de produits de consommation diminueraient leurs prix de 5 euros. Le
sapeur Camember n’aurait pas raisonné autrement…
•
Rokhaya Diallo, militante féministe, Rachid Arhab, ancien du CSA et Renaud Revel, ex de
l’Express, participeront désormais à l’émission phare (quelle lumière !) du PAF débridé, TPMP, animée par Cyril Hanouna. Ces bons samaritains volant au secours de Vincent Bolloré sont touchants. Ils ont pour mission de relever le niveau. Il est vrai qu’il ne pouvait pas plus descendre…
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