Les Crises.fr - Jupiter à la recherche de la diplomatie perdue, par Guillaume Berlat

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4
Sep
2017

Jupiter à la recherche de la diplomatie perdue, par Guillaume Berlat

« Nécessité fait loi » nous rappelle l’adage bien connu. Au moment où la présence d’Emmanuel Macron sur la scène internationale, notre vibrionnant président de la République, est de plus en plus fréquente (Cf. la consultation régulière du site internet de l’Élysée1), il serait grand temps qu’il donne un cap et un contenu à sa politique étrangère dont on peine encore à découvrir les linéaments2. Lors du conseil des ministres du 28 juillet 2017, en raison des couacs récents et de la baisse de sa cote de popularité, il marque son intention de « donner du sens à son action » afin qu’elle soit comprise des citoyens. Dont acte ! Au cours des prochaines semaines, deux occasions vont lui être fournies de préciser sa vision jupitérienne et martiale du monde en ce début de XXIe siècle.
D’abord, la rituelle conférence des ambassadeurs (rebaptisée il y a peu en « semaine des ambassadeurs » par Laurent Fabius) de la dernière semaine du mois d’août à Paris au cours de laquelle il est censé instruire la fine fleur de la diplomatie française de sa docte parole. Ensuite, le rituel discours devant l’Assemblée générale de l’ONU de la deuxième quinzaine de septembre à New York au cours de laquelle il est censé instruire la fine fleur de la diplomatie mondiale de la pensée internationale du Dieu Macron. Rien de moins. Même si sa pensée est « complexe », pour reprendre ses propres mots (pour refuser le traditionnel entretien avec deux journalistes du 14 juillet), il serait plus qu’opportun et urgent qu’il la simplifie pour être compris urbi et orbi3.
Tout ce qui se conçoit clairement s’énonce clairement et les mots pour le dire… Dans le pays de René Descartes, sa démonstration, fondée sur la réalité et non sur le rêve, devrait s’articuler autour du triptyque suivant. Face à un monde en plein bouleversement et passé le cap des cent jours4, il est devenu indispensable de renouveler la politique étrangère de la France et d’adapter sérieusement son outil diplomatique. Vaste programme aurait dit le général de Gaulle.

FACE À UN MONDE EN PLEIN BOULEVERSEMENT…
Face à un monde imprévisible et incertain, nous assistons à retour du concert des nations et à un effacement inévitable du multilatéralisme.
Un monde imprévisible et incertain
En dépit d’une inflation, d’un trop plein d’informations, les États semblent de plus en plus désemparés par la multiplication des crises face auxquelles leurs dirigeants semblent de plus en plus désorientés, incapables qu’ils sont de prévenir ces multiples « surprises stratégiques », pour reprendre l’expression consacrée’. Ont-ils été en mesure de prévoir la crise économique et financière, les « révolutions arabes », la crise migratoire, l’émergence de l’EIIL, la prégnance du terrorisme, la nouvelle guerre froide entre Moscou et Washington, l’aggravation de la crise entre Washington et Pyongyang, l’effondrement de l’Union européenne, l’obsolescence de l’OTAN, la paralysie de l’ONU… ? La réponse est dans la question. Pour Joseph Nye, cofondateur du concept de « soft power », nous assistons à deux mouvements qui se déroulent en même temps dans un monde en plein bouleversement : la « transition de la puissance » avec la Chine et la « transmission de la puissance » des États vers des acteurs non étatiques5.
Un retour du concert des nations
Aujourd’hui, dans un temps où la méfiance remplace la confiance, les États misent de moins en moins sur la « puissance avec les autres » et de plus en plus sur la « puissance au-dessus des autres ». Le concert des nations, que l’on croyait remisé au magasin des antiquités diplomatiques, fait un retour en force en ce début de XXIe siècle. Nous assistons à un recours plus fréquent aux formats sui generispour tenter de venir à bout des crises les plus graves : dialogue bilatéral russo-américain sur la Syrie (lancé en marge du G20 d’Hambourg) ; initiative isolée du président Macron sur la Libye (rencontre de la Celle-Saint-Cloud avec les deux principaux protagonistes du drame libyen même si elle ne débouche sur rien6) ; initiative du président Hollande sur l’Ukraine avec le format Normandie, couple franco-allemand pour aider le G5 Sahel à lutter contre le terrorisme ; processus tripartite d’Astana (Iran, Russie, Turquie) pour tenter de résoudre la crise syrienne…
Le bilatéral reprend des couleurs qu’il avait perdues à la faveur de la fin de la Guerre froide comme cela est le cas dans toutes les périodes de crise, de montée des tensions et de l’incompréhension. Chaque État estime qu’il sera mieux entendu, défendu dans des formats restreints que dans des enceintes universelles au sein desquelles sa voix sera inaudible. L’Histoire ne serait-elle qu’un éternel recommencement alors que certains en annonçaient la fin ?
Un effacement inévitable du multilatéralisme
Le réflexe naturel des États qui comptent sur la scène internationale est désormais de faire l’impasse sur les institutions multilatérales dont on nous loue quotidiennement les mérites de façon pavlovienne et liturgique. Le Conseil de sécurité de l’ONU se contente de déplorer, de regretter faute d’un minimum de confiance et d’accord entre les Cinq membres permanents. Au mieux d’imposer des sanctions (plus de diplomatie coercitive et moins de diplomatie coopérative). Cette situation de blocage doit beaucoup à la manière dont les trois occidentaux ont interprété de manière abusive la résolution 1973 sur la Libye.
L’OTAN est considérée comme « obsolète » par son principal mentor, le président américain qui considère que ses alliés ne participent pas suffisamment sur un plan financier à la défense du continent européen et l’application de son article 5 (clause de défense collective) ne semble plus être automatique en cas d’attaque de l’un de ses membres. Donald Trump aurait évolué sur ce sujet, nous dit-on, mais le ver est dans le fruit. L’Union européenne, vantée hier comme éternelle, est aujourd’hui considérée comme mortelle après le « brexit » (qui semble s’éterniser) et le cavalier seul des pays du Groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne et République tchèque), peu regardant sur la mise en œuvre de l’état de droit chez eux. Sa ministre des Affaires étrangères s’incline devant la Turquie7.
Elle va de crise en crise, incapable de se réformer pour « protéger les citoyens » et de régler rapidement et efficacement les crises (comme celles des migrations8) qu’elle subit9. L’OSCE, successeur de la CSCE, joue de moins en moins son rôle de forum de dialogue sur les questions de sécurité et de droits de l’homme, se contentant de dépêcher des « missions de terrain » sur les zones de crise du continent européen… L’OMC se voit contesté par Donald Trump qui récuse désormais la liberté du commerce mondial (Cf. la renégociation de l’ALENA). L’OMS réagit avec beaucoup de retard sur les pandémies en Afrique. Et la liste n’est malheureusement pas exhaustive de toutes des déficiences du multilatéralisme inefficace.
« Il faut prendre les choses comme elles sont car on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités » nous enseigne le général de Gaulle. Ce jugement est particulièrement pertinent de nos jours alors que le monde est en (r)évolution permanente. À monde nouveau, politique étrangère nouvelle !
… UN RENOUVELLEMENT DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE EST INDISPENSABLE…
Sans verser pour autant dans le simplisme, la politique étrangère de la France pourrait se définir par trois mots et s’organiser autour de trois dimensions.
Une politique étrangère résumée en trois mots
Trois mois après sa prise de fonctions, le président de la République, Emmanuel Macron pose un diagnostic pertinent à propos de son début de mandat. À l’occasion du Conseil des ministres du 28 juillet 2017, il martèle, à l’intention de son gouvernement, ses deux mots d’ordre « ambition » et «cohérence »10. Il appelle, par ailleurs, à davantage « anticiper les problèmes ». Gouverner, c’est prévoir ! Le Chef de l’État est déjà contraint de revoir sa méthode moins de trois mois après sa prise de fonctions. Il reproche à ses ministres de se « laisser bouffer par l’administration »11. Si sa pratique internationale est bien marquée au sceau de l’ambition et du volontarisme, le moins que l’on puisse dire est qu’elle manque singulièrement de cohérence même si elle se veut, du moins dans les apparences, anticipatrice des grandes lames de fond. Sa stratégie porte un nom : la fuite en avant12. « Pour l’instant, c’est le bazar à tous les étages », ironise un proche de son prédécesseur, François Hollande.
Si le style Macron semble plaire aux réseaux sociaux (l’alpha et l’oméga du monde politique du XXIe siècle), y compris à l’étranger, il semble également que son activisme vibrionnant commence à agacer passablement quelques grandes chancelleries occidentales, mais aussi l’Union européenne, par son défaut de concertation. Force est de reconnaître que la montagne accouche souvent d’une souris surtout lorsque la diplomatie est celle de « l’en même temps ». La politique africaine d’Emmanuel Macron relève de la grande illusion13 sans parler des problèmes que posent aux Italiens nos cavaliers seuls avec la Libye, en particulier sur le plan migratoire14. Sur le Venezuela, le silence de la France est assourdissant15. Heureusement, Paris s’inquiète de la crise nord-coréenne16. Mais, que doit donc comporter une politique étrangère ambitieuse, cohérente et anticipatrice digne de la France des idées dans le contexte international actuel ?
Une politique étrangère déclinée en trois dimensions
En nous en tenant à l’essentiel, les principales caractéristiques d’une politique étrangère réaliste et efficace peuvent se résumer aux trois dimensions suivantes.
Une dimension temporelle et spatiale. Pour ce qui est de sa temporalité, le chef de l’État, sorte de « nouvel empereur »17 a le choix entre une politique étrangère du temps médiatique (qui ne mêle nulle part) et une politique étrangère du temps historique (qui est sa raison d’être). La politique internationale des coups de com’ est comme les roses, elle ne vit que l’espace d’un matin. Elle obéit à la loi de l’essuie-glace, un évènement chassant l’autre. Elle est inutile, inefficace, parfois contreproductive surtout lorsque la porte-parole du président avoue qu’elle « assume parfaitement de mentir pour protéger le président »18. Pour ce qui est de la dimension spatiale, le chef de l’État a le choix entre une politique étrangère ponctuelle (traiter un problème en dehors de son contexte général) et une politique étrangère globale (tenant compte de la géographie qui est sa raison d’être). Dans le domaine des relations internationales, tout est dans tout. Il semble que cette maxime soit souvent perdue de vue par nos dirigeants. Vouloir peser dans le concert des nations, comme ce fut le cas avec la politique gaullo-mitterrandienne, suppose d’avoir une vision assez précise du monde, des interconnexions entre toutes les problématiques les plus significatives pour comprendre avant de pouvoir agir en toute connaissance de cause.
Une dimension stratégique et coopérative. Pour avoir quelques chances de succès, une politique étrangère digne de ce nom doit s’organiser autour d’une stratégie claire, lisible et prévisible. Elle est avant tout fondée sur la défense de l’intérêt national, qu’on le veuille ou non. Elle ne peut avoir pour seule boussole la morale ou les droits de l’homme19. Elle doit se fonder sur le réel, les rapports de force, les convergences d’intérêts (conjoncturelles ou structurelles). Elle ne peut se résumer au seul triptyque : mots, images et affichage. Mais cette politique étrangère efficace ne peut se concevoir et se conduire, hors de rares exceptions, seule et sans alliés, sinon elle est vouée à l’échec.
Comme dans les sports collectifs, jouer perso ne rapporte pas la mise. Elle suppose un indispensable travail en amont pour créer des coalitions sur lesquelles la France puisse s’appuyer. Est ainsi posée la question fondamentale de savoir ce que nous attendons ou pas de l’Union européenne et de son pléthorique Service européen d’action extérieure. Voulons-nous jouer avec l’Europe ou en dehors de l’Europe ? La question n’est toujours pas tranchée à découvrir l’agenda international exclusivement bilatéral d’Emanuel Macron en dépit de l’annonce d’une tournée européenne à la rentrée. La France de François Hollande a eu trop tendance à privilégier l’approche coercitive (toutes ses opérations extérieures en Afrique et au Proche et au Moyen-Orient) au détriment de l’approche coopérative (l’absence de propositions de médiation, de conciliation, de conférences internationales). Que désire Emmanuel Macron au juste ?
Une dimension de connaissance et d’anticipation. Il est grand temps que les explications des convulsions que connaît le monde l’emportent sur les symboles. Pour ce qui est de l’analyse, nous touchons au cœur du problème fondamental de la diplomatie (Cf. développement suivant) qui est de comprendre les évènements, leurs causes, leur durée, leur relation avec l’histoire, la géographie, l’économie, le social, l’environnement… Le rôle de l’analyste doit être de s’en tenir à la froideur des faits objectifs et non aux divagations de l’esprit, aux idées simples, simplistes et toutes faites que véhiculent les médias et autres réseaux sociaux.
Gouverner, c’est prévoir, on ne le redira jamais assez. En histoire (sur le temps long), il faut être prudent quand il est question de prévoir les grandes tendances sur le long terme comme nous le rappelle Marc Bloch20. En diplomatie (sur le temps court), il existe toujours une marge d’imprévisibilité. Ceci étant dit, cela ne doit pas empêcher les décideurs politiques d’imaginer l’avenir pour en devenir l’architecte plutôt que de le subir pour en devenir le jouet. L’agitation permanente est peu propice à la réflexion et, par voie de conséquence, à l’anticipation, seul gage d’une réelle politique étrangère. Nous en sommes encore loin aujourd’hui.
Comme quoi rien ne change ? Reste que la constance dans la contradiction ne fait pas une politique, ou plutôt fait de la très mauvaise politique (Paul Cassia). Étant la déclinaison concrète et quotidienne (par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères) de la ligne définie par la politique étrangère (par le président de la République), la diplomatie française nécessite plus que quelques ravalements de façade.
…AINSI QU’UNE SÉRIEUSE ADAPTATION DE L’OUTIL DIPLOMATIQUE
Comme l’écrit Nicolas Hulot pour la défense de la planète, il faut « préférer le sursaut au sursis »21. Il en va de même pour notre diplomatie qui est bien malade faute d’une réflexion stratégique tant sur sa raison d’être que sur ses méthodes. Trois impératifs catégoriques s’imposent aujourd’hui pour la remettre sur de bons rails : un recentrage du Quai d’Orsay sur ses missions régaliennes, …
Un recentrage du Quai d’Orsay sur ses missions régaliennes. À l’heure des coupes sombres dans les budgets ministériels – le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères vient d’être taxé plus que de raison comme le ministère des Armées (Cf. le psychodrame ayant conduit à la démission du général Pierre de Villiers) -, il est indispensable que la diplomatie française cesse d’entretenir quelques danseuses inutiles en son sein comme elle le fait avec une constance qui mérite louange. À l’instar de ce qui se fait pour la sécurité et la défense à intervalles réguliers, il est aujourd’hui indispensable que soit mis en chantier un Livre blanc sur la politique étrangère de la France (fondé sur une analyse objective du nouvel ordre mondial et de ses conséquences sur l’action internationale de la France) accompagné d’une loi de programmation diplomatique pour la durée du présent quinquennat (mettant en adéquation nos ambitions démesurées avec des moyens de plus en plus contraints). Il est aussi important que soit lancée une réflexion indépendante sur le périmètre du métier de diplomate et les objectifs de la diplomatie.
Tout ceci devrait déboucher sur l’abandon par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères de quelques missions « exotiques » sur lesquelles il n’apporte aucune valeur ajoutée par rapport à d’autres départements ministériels. Nous ne citerons qu’un exemple, celui de la diplomatie économique qui doit revenir à Bercy sans parler de la diplomatie culturelle au sujet de laquelle une réflexion s’impose. Le temps des contraintes budgétaires doit être celui des réformes audacieuses et non celui des lamentations stériles.
Un retour de la méritocratie républicaine. Il est grand temps que soit mis un coup d’arrêt aux pratiques anciennes qui constituent des violations graves des principes de la République. Les promotions et les affectations des diplomates doivent reposer sur le seul critère de leur compétence et de leur mérite22. Doivent être bannies des politiques de gestion des ressources humaines les pratiques suivantes : le monopole des anciens élèves de l’ENA dans la course aux postes et aux promotions (une fois entrés au Quai d’Orsay, ils ne doivent plus prendre l’autoroute mais la route normale sauf à faire leurs preuves)23; le coup de pouce donné systématiquement aux femmes en vue du rétablissement d’une parité hypothétique (il constitue aujourd’hui une discrimination inacceptable contraire au principe d’égalité si les mots ont encore un sens dans notre langue) ; le primat du copinage (les recasages indécents des membres des cabinets et des amis politiques24) et des réseaux (politiques, syndicaux, de la franc-maçonnerie, des LGBT, des minorités…). De plus, au moment où Emmanuel Macron entend recourir au « spoil system » à l’américaine, il est important que soit donnée une prime aux fonctionnaires courageux qui écrivent ce qu’ils pensent (dans les limites de l’obligation de loyauté) par rapport à ceux qui écrivent ce qu’attendent d’eux les politiques (depuis leurs bureaux parisiens).
En dernier lieu, il est indispensable de mettre un terme à la dérive inquiétante des gadgets managériaux. Plus une structure souffre du principal, plus elle a tendance à se perdre dans l’accessoire : évaluation à 360° qui confère aux subordonnés un droit de vie et de mort intolérable sur leur hiérarchie ; diplomatie partagée (couple de diplomates nommés sur le même poste d’ambassadeur en Croatie) ; réunionite aigüe qui obère les capacités de réflexion des ambassadeurs et des directeurs d’administration centrale ; excès de convivialité et, dernière nouveauté, dernier gadget managérial, pourrait-on dire, la création, à la veille de la semaine des ambassadeurs, d’un « comité exécutif » dont on peine à comprendre le rôle exact25
Une recherche constante de l’anticipation. Avant de refaire le monde, il faut savoir le décrypter pour le comprendre dans toute sa complexité. L’un des principaux objectifs de la diplomatie (ses trois missions sont : informer, négocier, représenter) consiste, par un recueil continu d’informations pertinentes par notre réseau diplomatique et consulaire de parfaire l’analyse des situations, y compris et surtout les plus complexes, dans le monde afin de réduire l’incertitude et prévenir ainsi les « surprises stratégiques». C’est ce que l’on peut qualifier d’expertise diplomatique qui se fonde sur un réseau d’experts de toutes les régions du monde (corps des conseillers d’orient en particulier) qui accumulent une « expertise de long terme » (Bernard Bajolet, ex-directeur général de la sécurité extérieure).
Même si la diplomatie n’est pas une science exacte, elle se doit d’être anticipatrice par l’analyse constante des signaux faibles et forts. Le Centre d’analyse et de prospective du Quai d’Orsay doit retrouver sa vocation initiale (celle qu’avait confiée son initiateur Michel Jobert à son premier chef, Thierry de Montbrial) : penser différemment des services du ministère des Affaires étrangères, pris par le court terme (« thinking out of the box » comme disent les anglo-saxons), y compris en se plaçant dans une démarche anticonformiste. Le CAPS ne doit plus être la voix du ministre mais son conseil (y compris en lui fournissant des analyses dérangeantes allant à contre-courant de ses idées) en associant à ses recherches tout le vivier du renseignement provenant des services (la DGSI et la DGSE viennent de recruter des milliers d’analystes). Le CAPS doit redevenir un centre d’excellence et non le refuge de bras cassés (diplomates) et de sans expérience internationale (chercheurs débutants ou courtisans du ministre) pour redonner au Quai d’Orsay ses lettres de noblesse en matière d’analyse, de synthèse, de connaissance et d’anticipation, toutes choses qu’il a perdues au fil des ans.
Jean-Yves Le Drian, qui fait souvent preuve de bon sens populaire et de sens de la prévision26, saura-t-il trouver le bon chemin en Macronie ?27 On nous dit qu’il aurait quelques états d’âme et regretterait le temps béni de la Hollandie pendant lequel il était le maître incontesté à l’hôtel de Brienne. On ne peut pas être et avoir été. Au Quai d’Orsay, certaines mauvaises langues prétendent qu’il ferait seulement office de figurant d’une pièce dont le rôle principal serait tenu par un jeune premier à l’Élysée. Vedette dont son ex-professeur de théâtre devenue première dame nous dresse un portrait élogieux dans les colonnes d’Elle au moment où la critique se fait plus négative contre le jeune prodige de la comédie française28
« Chaque début recèle une magie cachée » affirme l’écrivain allemand Hermann Hesse. La vague de « Macronmania » qui frappe la France relève de pareille logique. Elle a, au moins pour un temps, anesthésié les capacités critiques (au sens le plus noble du terme) de nos intellectuels (ou pseudo), de nos penseurs (à l’acuité réduite), de nos fins stratèges (du très court terme et du temps médiatique) et autres germanopratins de tout poil (actifs dans les dîners en ville). Mais, ne perdons pas de vue le risque de lendemains qui déchantent. Les premiers résultats relèvent au mieux de la politique de communication, au pire de l’inexpérience, pour ne pas dire de l’incompétence de tous ces petits marquis de Bercy (ceux qui savent tout sur tout et dont on peut juger les résultats économiques et financiers pitoyables de la France depuis plusieurs décennies) qui entourent et conseillent brillamment le chef de l’État sur ses décisions stratégiques29.
On évoque à leur sujet, sur le registre religieux, la Sainte Trinité (Macron Kohler, Emelien). Le temps des grandes manœuvres politiciennes et médiatiques dans lesquelles Emmanuel Macron a excellé est révolu. Il lui appartient désormais d’agir in concreto, de démontrer qu’il obtient des résultats (tangibles) sur la scène internationale qui ne se mesurent pas à la longueur des poignées de mains viriles, des communiqués de presse lénifiants et autres rodomontades libyennes. Ce qui comme le disait Rudyard Kipling est une autre histoire. Laissons passer le temps de l’été pour juger si Jupiter a su et pu retrouver les chemins de la diplomatie perdue !
Guillaume Berlat
28 août 2017

1 www.elysee.fr .
2 Guillaume Berlat, Petit traité de diplomatie macroniennehttp://ift.tt/2iY9j4N , 24 juillet 2017.
3 Marguerite Moreau, Penser sans complexe, Courrier des lecteurs, Marianne, 14-20 juillet 2017, p. 54.
4 Reanud Dely, L’illusion des cent jours, Marianne, 18-24 août 2017, p. 4.
5 Joseph Nye, « Le siècle américain n’est pas fini », Le Monde, 25 juillet 2017, p. 26.
6 Roumiana Ougartchinska, Après la photo, la guerre continue, Marianne, 11-17 août 2017, pp 46-47.
7 Couchée, Marianne, 18-14 août 2017, p. 20.
8 Éditorial, L’Europe au défi de l’immigration, Le Monde, 9 août 2017, p. 23.
9 Collectif, L’Europe peut et doit se réformer sans attendre, Le Monde, 9 août 2017, p. 23.
10 Solenn de Royer, Comment Macron veut reprendre la main ?, Le Monde, 29 juillet 2017, p. 6.
11 L’exhortation de Macron, Le Canard enchaîné, 2 août 2017, p. 2.
12 Jacques Julliard, La fuite en avant, Marianne, 21-27 juillet 2017, p. 6.
13 Claude Angeli, La grande illusion africaine du Président, Le Canard enchaîné, 9 août 2017, p. 3.
14 Maryline Baumard, Migrants : la politique africaine de Macron, Le Monde, 8 août 2017, p. 23.
15 Maduro Lex, Le Canard enchaîné, 9 août 2017, p. 1.
16 Solenn de Royer/Marc Semo, Paris s’inquiète de la crise nord-coréenne, Le Monde, 15-16 août 2017, p. 3.
17 André Touboul, Le nouvel empereur, Le courrier des lecteurs, Marianne, 21-27 juillet 2017, p. 54.
18 Anne-Sophie Meunier, Sibeth N’Diaye. La preuve par meuf, Le Canard enchaîné, 2 août 2017, p. 7.
19 Jean-Claude Alt/Benoît Muracciole, Armes : la France oublie les droits de l’homme, Le Monde, 15-16 août 2017, p. 21.
20 Nicolas Weill, « L’étrange défaite » a signé celle de tous les déclinismes, L’été des livres, Le Monde, 4 août 2017, pp. 20-21.
21 Nicolas Hulot, « Pour la planète, préférer le sursaut au sursis », Le Monde, 1er août 2017, p. 27.
22 Natacha Polony, Petit éloge du méritewww.lefigaro.fr , 18 août 2017.
23 Philippe Marquevieille, La faute aux énarques, Marianne, Le courrier des lecteurs, 18-24 août 2017, p. 52.
24 François Daras, Opération recasage, Il a osé le faire, Marianne, 29 juillet-3 août 2017, p. 8.
25 Arrêté du 204 juillet 2017 portant création d’un comité exécutif du ministère des affaires étrangères, JORF n° 0193 du 19 août 2017, texte n° 3.
26 Prémonitions ministérielles, Le Canard enchaîné, 16 août 2017, p. 2.
27 Solenn de Royer, Le Drian cherche ses marques en Macronie, Le Monde, 10 août 2017, p. 8.
28 Erin Doherty/Olivia de Lamberterie, « Appelez-moi Brigitte ! », entretien exclusif, Elle, 18 août 2017, pp. 52 à 61.
29 Solenn de Royer, Macron, Kohler, Emelien, ce trio qui dirige la France, Le Monde, 9 août 2017, p. 9.
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25 réponses à Jupiter à la recherche de la diplomatie perdue, par Guillaume Berlat

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Nadège BajardLe 04 septembre 2017 à 07h31
On avait pris l’habitude de décrypter les guerres comme ayant toujours un but économique concret : ressources pétrolières, route stratégique… Juste “maquillé beau”.
Aujourd’hui on a compris que le chaos était en soi une ressource économique : plus facile et moins onéreux de se servir dans un pays où règne le chaos.Marchés d’armes juteux…
Macron ? Ben… Il est à sa place, non ? Reste à savoir quelle place et qui l’y a mis. Pas moi.



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