Titre : Les Crises.fr - Le Qatar doit faire sa part, par John Hannah
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Juin
2017
Le Qatar doit faire sa part, par John Hannah
Article “intéressant” vu le contexte qui a suivi… Avec un bel exemple de propagande pro gouvernementale.
Source : John Hannah, Foreign Policy, 23-05- 2017
Le minuscule émirat est un ami hypocrite.
Un objectif important des réunions du président Donald Trump avec des dirigeants arabes et islamiques le week-end dernier consistait à les encourager à assumer davantage de charges dans la défense de nos intérêts communs, en particulier dans le combat contre les menaces terroristes et iraniennes. À cet égard, le président serait bien avisé de faire du petit émirat du Qatar l’une de ses priorités les plus importantes : un allié putatif, totalement dépendant de l’Amérique pour sa sécurité, qui depuis plus de 20 ans poursuit systématiquement un certain nombre de politiques qui non seulement n’ont pas permis de défendre les intérêts américains au Moyen-Orient, mais qui au contraire les ont activement minés à de trop nombreuses reprises.
En effet, le Qatar a été l’enfant prodige en terme d’amicale hypocrisie, cherchant constamment à avoir le beurre et l’argent du beurre lorsqu’il s’agit des États-Unis : d’un côté, un hôte fiable de certaines des plus importantes installations militaires américaines au Moyen-Orient, mais de l’autre, peut-être le principal soutien (politique, financier, militaire et idéologique via Al Jazeera, le diffuseur financé par l’État basé à Doha) de certaines des forces les plus radicales, déstabilisantes et dangereuses de la région.
L’acte d’accusation contre le Qatar est trop long pour être repris intégralement. Mais un extrait est déjà suffisamment grave. Son rôle plus tôt ce mois-ci en tant que principal soutien des efforts du Hamas pour blanchir son programme génocidaire contre Israël était juste la partie émergée de l’iceberg. Le Qatar est le principal soutien extérieur du Hamas depuis des années, à la fois son plus important financier et un refuge sûr pour ses dirigeants. Dans le combat pour l’âme du mouvement national palestinien entre l’autorité palestinienne soutenue par les Américains et le groupe terroriste du Hamas pointé du doigt par les Américains, les Qataris ont parié sans faute (et dans l’ensemble sans dommages) sur les Islamistes violents de Gaza, dévoués à la destruction d’Israël.
Mais le Hamas n’est même pas la moitié de la réalité. Aucune autre puissance extérieure ne porte autant de responsabilités que le Qatar d’avoir transformé le printemps arabe de 2011 en hiver islamiste. Il a financé le gouvernement désastreux des Frères musulmans du président Mohamed Morsi en Égypte. Et après la chute de Morsi en 2013, le Qatar a tout fait pour décrédibiliser et déstabiliser le régime laïque qui lui a succédé, celui d’Abdel Fattah al-Sisi, mettant Al-Jazeera et d’autres plateformes de diffusion soutenues par le Qatar au service des Frères musulmans, tout en accueillant bon nombre de leurs leaders exilés à Doha.
En tout cas, le travail destructeur du Qatar a été encore plus flagrant en Libye et en Syrie, au delà de l’argent et des incitations, fournissant aussi des armes en quantité à toutes sortes d’islamistes radicaux. En dépit des efforts soutenus des États-Unis dans les deux pays pour orienter le soutien à ses partenaires vers des forces plus pragmatiques et laïques, les Qataris ont systématiquement ignoré les préoccupations des États-Unis, transférant de grandes quantités d’armes à de nombreuses milices extrémistes, des plus préoccupantes pour les décideurs de Washington.
Hélas, rien de tout cela n’est un phénomène particulièrement récent. Un exemple : au milieu des années 1990, lorsque je travaillais dans l’équipe du secrétaire d’État Warren Christopher, les États-Unis se rendirent compte que de hauts fonctionnaires du gouvernement du Qatar abritaient probablement undjihadiste impliqué dans un complot, déjoué, qui devait faire sauter des avions de ligne civils en route vers les États-Unis. Mais après que le FBI a contacté le Qatar pour appréhender le suspect, il a soudainement disparu. Les responsables du renseignement s’entendent à reconnaître que le terroristeavait été informé par ses patrons, aux plus hauts niveaux du gouvernement qatari. Le directeur du FBI, Louis Freeh, en a suggéré autant dans une lettre directe au ministre des Affaires étrangères du Qatar, se plaignant que les États-Unis avaient « l’information perturbante » que le suspect « avait de nouveau échappé à la surveillance de vos services de sécurité et qu’il semblait être au courant de l’intérêt du FBI pour lui. »
L’identité de ce djihadiste ? Nul autre que Khalid Sheikh Mohammed qui allait, comme on sait, planifier les attaques terroristes du 11 septembre. Il est à remarquer que le haut fonctionnaire considéré comme le plus impliqué dans l’asile et le soutien à Mohammed, a été presque sans interruption ministre du gouvernement du Qatar jusqu’en 2013 : et, ce qui est le plus notable, en tant que chef de la sécurité interne du pays.
Une autre de mes archives personnelles : en 2004, alors que l’insurrection en Irak était en plein essor, j’étais membre de l’équipe de sécurité nationale du vice-président Dick Cheney. Alors même que les pilotes américains risquaient leur vie dans des missions contre des terroristes irakiens depuis la base aérienne Al Oudeid au Qatar, Al Jazeera excitait sans cesse le monde arabe contre les forces américaines. De jour en jour, les images les plus horribles de femmes et d’enfants morts ont été diffusées dans toute la région en boucle pratiquement continue, un supposé crime de guerre après l’autre, liés dans l’esprit de l’auditoire à ce qu’Al Jazeera appelait avec provocation la « Guerre des États-Unis contre l’Irak » (guillemets ajoutées). Après le 11 septembre, la chaîne, devenue (de manière très suspecte) le canal préféré pour les appels audio enregistrés d’Oussama ben Laden au djihad contre l’Amérique – Cheney l’avait baptisée « le débouché d’Oussama sur le monde » – a passé les pires années de la guerre d’Irak en propagande en faveur de l’insurrection.
Les analystes américains ont perdu le compte du nombre de fois où les caméras d’Al Jazeera étaient présentes sur place au moment opportun pour filmer une attaque spectaculaire des forces américaines. La preuve circonstancielle de la collusion d’Al-Jazeera avec les terroristes ciblant les soldats américains était convaincante. La critique du général commandant en chef des forces américaines au Moyen-Orient John Abizaid était caractéristique, lorsqu’il relevait à l’époque : « il est toujours intéressant pour moi de constater comment Al-Jazeera parvient à être sur la scène du crime chaque fois qu’une prise d’otage ou qu’un autre problème survient ». Patrick Kennedy, le chef d’état-major de l’Autorité provisoire de la coalition en Irak écrivit une lettre accusatrice au conseil d”administration d’Al-Jazeera demandant : « quelles sont les procédures suivies lorsqu’un membre de l’équipe reçoit des informations au sujet d’une attaque en instance qui pourrait provoquer des blessés ou des morts au sein de la population, des autorités civiles ou du personnel militaire ? »
Le problème avec Al-Jazeera a été considéré comme si dommageable par les militaires américains que Cheney et le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld ont ressenti le besoin d’organiser en avril uneréunion extraordinaire dans le bureau du vice-président Cheney (celui de « l’aile gauche » de la Maison-Blanche, qui n’est pas son bureau principal, NdT) avec le ministre des affaires étrangères qatari alors en visite. Deux des plus puissants responsables de l’administration d’alors coincèrent leur invité et lui passèrent un savon. L’unique sujet de la discussion fut énoncé sans ménagements : Al-Jazeera provoquait la mort d’Américains en Irak. Soit le Qatar tenait en bride la chaîne de télévision quant à ses mensonges, ses encouragements et sa complaisance envers l’ennemi, soit les Etats-Unis seraient contraints de reconsidérer leur relation avec Doha.
Le message a retenu l’attention du Qatar, au moins temporairement. Très rapidement, le gouvernement annonça qu’il était nécessaire qu’un plus grand professionnalisme soit présent au sein d’Al-Jazeera. Peu de temps après, la chaîne annonça en grande pompe qu’elle adoptait un nouveau code d’éthique.
Mais cela n’a pas duré longtemps. Un exemple : quelques mois après la réunion avec Cheney et Rumsfeld, le célèbre guide spirituel égyptien de la confrérie mondiale des Frères musulmans, Youssef Al-Quaradâwî, invité de l’un des programmes hebdomadaires les plus populaires d’Al-Jazzera, a lancé un décret religieux, ou fatwa, lors d’une conférence au Caire, qui disait que « tous les Américains en Irak sont des combattants, qu’il n’y a aucune différence entre les civils et les soldats, et que l’on doit les combattre, puisque les civils américains sont venus en Irak au service de l’occupation. L’enlèvement et le meurtre d’Américains en Irak est une obligation [religieuse] ». Inutile de dire qu’en dépit de quelques tentatives évasives de minimiser cette fatwa, les apparitions en vedette de Quaradâwî sur Al-Jazeera n’ont jamais cessé. Son exil paisible à Doha n’a jamais été mis en péril.
Que s’est-il passé ? Dit simplement, les Qataris ont donné le change avec succès à l’Amérique. Cheney a cherché à concrétiser sa menace en obtenant du Pentagone qu’il lance une étude pour rechercher des alternatives régionales à la base militaire d’Al-Oudeid. Ma meilleure hypothèse est que les militaires américains ont fini par ralentir leurs efforts pour répondre à cette suggestion, l’enterrant jusqu’à ce qu’elle meure de mort naturelle. Apparemment, aussi fou de rage que soit le commandement central américain au sujet du double-jeu du Qatar, quand la pression est venue, elle n’était pas suffisante pour remettre en cause l’accord formidablement avantageux dont bénéficie l’armée américaine au Qatar : installations dernier cri, liberté d’action sans contraintes, et un pays d’accueil très généreux et accomodant. Peut-être le plus important, les militaires semblaient convaincus à l’époque, non sans raison, que ces avantages ne pourraient être retrouvés avec aucun autre partenaire régional des États-Unis – ces partenaires semblant bien plus sensibles aux implications politiques dues au fait d’avoir des milliers de combattants américains engageant ouvertement des guerres sur des théâtres d’opération dans tout le monde musulman.
Avançons rapidement de plus d’une décade et il semble que l’administration Trump doive faire face à une situation bien différente. La dualité troublante de la politique qatarienne envers les États-Unis a persisté et a même empiré de multiples façons, en particulier depuis 2011. Au même moment, les voisins du Qatar — en particulier l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis — sont de plus en plus alarmés du rôle prééminent que joue le Qatar dans l’instabilité régionale et sont plus enclins et confiants à montrer leurs propres partenariats militaires avec Washington. Les Américains, qui se sont récemment entretenus avec les dirigeants saoudiens, les ont entendus qualifier de « l’une de leurs plus grosses erreurs » la décision de laisser les forces américaines se retirer de la base aérienne Prince Sultan située dans le royaume. Il y a également des rumeurs sur l’effort conjoint de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pour combiner leurs ressources afin d’assurer aux Américains des options alternatives pour une base militaire, dont les avantages seraient équivalents ou supérieurs à ceux dont ils bénéficient au Qatar.
Le Golfe persique est en mutation. Et de ce fait, les moyens de pression américains également. Étant donné l’expérience malheureuse de la région avec l’administration Obama et l’amplitude des menaces auxquelles il doit faire face à l’heure actuelle, le Golfe garde une motivation intacte pour le leadership américain. Il n’est qu’à voir l’accueil grandiose reçu par Trump à Riyad pour écarter le moindre doute. Tout cela devrait contribuer directement à la manière de gérer façon « Ça fait partie du marché » du président, alors qu’il cherche à obtenir des Qataris et d’autres alliés régionaux qu’ils en fassent davantage.
Et cela bien sûr devrait être l’objectif : non pas mettre en réserve la relation stratégique de l’Amérique avec le Qatar, mais la sauver en obtenant que Doha file droit, s’agissant de ses heures supplémentaires employées à soutenir l’extrémisme. Que le Qatar daigne en prendre conscience ou non, le fait est que lentement mais sûrement, les relations avec les États-Unis s’effritent méchamment. Nous ne nous sommes pas fait de cadeau en laissant cette irritation suppurer et métastaser aussi longtemps. Elle doit être affrontée honnêtement et ouvertement par l’équipe du président, en coopération avec leurs homologues qataris. Des indicateurs clairs de changement doivent être établis, mis en place et appliqués de manière rigoureuse. La relation doit reposer sur des bases plus solides, sinon les risques de rupture vont s’accroître. C’est quelque chose que – considérant ses options régionales et sa flexibilité stratégique grandissantes – les États-Unis peuvent certainement supporter en continuant à se développer. Les Qataris ? J’en suis beaucoup moins sûr.
Certain avanceront sans doute que le Qatar ne devrait pas être injustement le seul à être ciblé pour jouer sur les deux tableaux vis-à-vis des États-Unis. Et ils auraient raison. Les Saoudiens ont largement pratiqué le même double-jeu pendant des décennies, faisant partie à la fois du problème et de la solution. La Turquie a suivi le même chemin ces dernières années. Il est tout à fait vrai que les États-Unis doivent également commencer à appliquer une forme « d’amour vache » aux relations avec ces pays.
Mais ici je ferai deux observations importantes. Premièrement, au moins en ce qui concerne les Saoudiens, aussi frustrants qu’ils puissent être, l’écart entre leurs actions et nos propres intérêts en ce qui concerne la lutte contre l’extrémisme a diminué lentement et sûrement depuis le 11 septembre. Avec les Qataris, malheureusement, il s’est creusé. La tendance est négative. Deuxièmement,les diplomates américains doivent faire face à une dure réalité. A la fois l’Arabie saoudite et la Turquie sont des pays vastes et extrêmement complexes, d’une valeur stratégique inestimable, et dont la perte en tant qu’alliés des États-Unis causeraient d’indicibles ravages aux intérêts américains. Le Qatar, de son côté, bien qu’étant un important acteur dans le marché mondial de l’énergie (dont l’offre excède de plus en plus la demande) est un nabot de la péninsule arabique avec seulement 250.000 résidents nationaux environ. L’ex-ambassadeur saoudien à Washington, le prince Bandar Bin Sultan, plaisantait de façon fort peu charitable sur le Qatar en disant que ce n’était « rien de plus que 300 personnes… et une chaîne de télévision. »
Le fait est qu’en comparaison avec d’autres situations dans la région, les perspectives aujourd’hui sont bonnes pour qu’une action diplomatique américaine concertée pour modifier les pratiques anti-américaines du minuscule Qatar soit couronnée de succès. En même temps, les risques d’échec, bien que ce dernier soit indésirable, sont plus gérables. En conclusion, si l’administration Trump cherche un endroit où démarrer ses efforts pour obtenir de ses alliés du Golfe un meilleur soutien des intérêts américains, le Qatar pourrait être ce lieu.
Crédit photos : MANDEL NGAN/AFP/Getty Images
Source : John Hannah, Foreign Policy, 23-05- 2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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